Chronique du travail aliéné : Nicole*, secrétaire en agence d’intérim




La chronique mensuelle de Marie-Louise Michel (psychologue de travail).


« Une syndicaliste, ils n’aiment pas ça non plus »

"Je suis en arrêt de travail depuis un mois, mais ça va mieux depuis que je prends des antidépresseurs. Je suis dans la même agence depuis neuf ans avec la même responsable. Comme elle avait eu des problèmes avec la direction régionale, elle s’est protégée avec un mandat syndical il y a six ans. A partir de là elle a été souvent absente. On était trois, j’avais une collègue avec qui je m’entendais bien, c’est sûr que la responsable a pu se sentir mise à part. C’est normal, elle n’était jamais là, on ne lui passait pas les infos, elle était à l’écart. Ma collègue lui disait qu’elle était incompétente et c’était vrai à force.

Depuis deux ans on a une nouvelle direction parce qu’on a été rachetés par un grand groupe. Ils sont venus à l’agence, ma collègue leur a tout balancé. La directrice régionale était d’accord, elle a même dit que ma responsable faisait du harcèlement. Elle doit donc partir mais elle refuse les postes qu’on lui propose sous prétexte que ce serait des placards… Et comme ma collègue voulait monter, elle a commencé à remplacer les responsables qui partaient en congé maternité. Maintenant elle a un poste.

Et moi je me suis retrouvée avec des remplaçantes tout le temps. Et on me refuse des RTT parce que « Madame » est au CHSCT ! Elle me parle mal et en plus elle nous appelle cinquante fois par jour quand elle est en mandat syndical… Elle veut tout savoir. Ca me met en stress. Un jour elle m’a harcelée de mails sur mon ordinateur. J’ai un travail difficile, je dois prospecter pour attirer de la clientèle et ensuite traiter leurs commandes pour leur trouver ce qui leur convient : des gens qu’on a triés en faisant passer des tests de métier à des chômeurs.

Mais récemment il y a eu un changement d’allègement des charges, ça va nous faire un surcoût, euh… ça va être moins intéressant pour nous. Ma responsable pensait qu’il fallait prendre rendez vous avec chaque gros client et refaire l’offre commerciale complète. Mais moi j’étais allée sur le site « juste prix » du groupe et ils disaient qu’il fallait envoyer juste un mail pour « faire passer » l’augmentation. Elle ne voulait pas, on s’est accrochées. Le lendemain, j’étais arrêtée, je n’y suis pas retournée depuis. Mais le nouveau directeur régional m’a appelée hier soir chez moi, il m’a dit que je pourrai revenir, il a réussi à lui faire accepter un autre poste ailleurs. C’est sûr, une syndicaliste, ils n’aiment pas ça non plus."

* Seul le prénom est modifié, le reste est authentique.

 
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