Collectif des Poupées en pantalon : Presse féminine sous pression féministe




Cela fait bientôt deux ans que le collectif des Poupées en pantalon s’est formé à Strasbourg, autour du projet original d’un journal « féminin-féministe » (dont le 4e numéro est attendu pour avril) qui s’oppose à une presse féminine régie par les impératifs du patriarcat renvoyant les femmes du rôle de jeune potiche à celui de ménagère aguerrie.

L’objectif est de déconstruire l’image des femmes renvoyée par des magazines féminins associés aux salles d’attente des cabinets médicaux, en s’armant de leur forme pour permettre une large diffusion, mais en torpillant leur discours ! Leur démarche formelle rencontre la difficulté d’opposer au discours dominant une expression accessible à la fois en termes de contenu et de diffusion.

D’une part, elles connaissent les aléas de toute presse radicale, la vente du journal se fait dans un circuit indépendant, et n’arrive pas pour l’instant à s’autofinancer. Mais leur attachement au support papier a un impact sur le lectorat, dont le soutien couplé à leur propre travail de diffusion permet l’implantation dans des librairies à Strasbourg, Metz, Nantes, Paris ou encore Lyon, et espérons bientôt dans d’autres villes.

D’autre part se pose la question de la nécessité de creuser les sujets tout en gardant un ton léger et décalé. La maquette du journal, noir et blanc élégant, sobre, fait peut être l’erreur de trop séparer les contenus militants et les rubriques « féminines » revisitées à la sauce féministe. Dans la salle d’attente, n’aura-t-on pas une lecture partielle qui occultera la profondeur des débats ? D’un magazine féminin dans sa ligne éditoriale, les articles de fond éloignent vite ce journal de la presse féminine que l’on propose habituellement en kiosque aux femmes, et les rédactrices nous confient vouloir de plus en plus s’en détacher, faisant le choix de faire confiance à leurs lectrices. Et les retours les y encouragent, les lectrices sont ravies de la nouvelle adresse qui leur est faite : on ne les prend plus pour des cruches !

Le refus du rôle silencieux imposé aux femmes

Le rythme bi-annuel du journal permet un travail de recherche approfondi, et s’est récemment enrichi d’un blog [1] pour pouvoir réagir à l’actualité. Un nouveau besoin, un nouveau support, un nouveau lectorat. Mais cette parution finalement semestrielle, c’est aussi parce que « Les poupées » sont totalement impliquées dans les mouvements sociaux, au point de redynamiser un certain nombre d’actions et de débats dans la capitale alsacienne.

Les poupées ne se contenteront pas de pouvoir porter des pantalons, et refusent de se laisser enfermer dans un rôle muet et passif déterminé par le genre ! Dès l’origine, les neuf fondatrices sont toutes – ou presque – des militantes. Le groupe se crée sur le constat d’une carence locale en matière de féminisme, mais aussi en réponse aux organisations d’extrême gauche, même libertaires, au final encore très masculines et tacitement machistes malgré la vogue de débats antisexistes parfois limités. La non-mixité rédactionnelle apparaît alors pour elles comme un outil, passage obligé dans la déconstruction des genres, pour que la parole politique des femmes se libère en dehors du contrôle des tribunes patriarches.

L’écrit est un support, un moyen de diffusion et d’expression qu’elles ouvrent à l’extérieur du comité de rédaction pour permettre à d’autres femmes de parler, avec une charte politique claire, anti-essentialiste, antiraciste et pro-LGBTI. Mais au delà de l’encre noire, leur activité militante se situe aussi dans l’action. A Strasbourg, elles occupent maintenant bien le terrain et se placent à l’initiative. Leurs appels à des manifestations et des débats, sont suivis et se multiplient... Marche au flambeau pour réclamer que l’IVG soit plus qu’un droit, ou bien lutte contre les violences faites aux femmes, leur expression et action est au niveau local comme national une parole radicale libérée, une arme contre le patriarcat, qu’il faut soutenir et développer là où son écho ne tonne pas.

J&J (AL Alsace)

[1Leur blog : lespoupeesenpantalon.blogspot.com

 
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