Droit de réponse

Comment l’UCL traite les accusations d’agression sexuelle en son sein




Une réponse de l’Union communiste libertaire au site web Autrefutur.net, qui a contesté l’exclusion d’un membre de l’UCL accusé de viol. Autrefutur.net a refusé de publier ce droit de réponse.

Le 9 novembre 2020, le site web Autrefutur.net a publié un article intitulé « De la peste identitaire… en milieu libertaire » qui met gravement en cause l’Union communiste libertaire, et notamment sa décision d’exclure un adhérent accusé de viol.

Nous passerons sur les multiples commentaires au sujet des « dérives genristes et racialistes » que vous attribuez à l’UCL, et nous nous contenterons de dire qu’en la matière, non seulement vous vous trompez d’analyse et de combat, mais que toutes ces considérations sont sans rapport avec l’exclusion de celui que vous appelez « Nestor ».

Nous y répondrons, d’une part en expliquant le sens de la procédure interne de l’UCL concernant les accusations d’agressions sexuelle, et d’autre part en vous donnant une image de « Nestor » assez éloignée du personnage que vous dépeignez.

Comment l’UCL traite les accusations d’agression sexuelle en son sein

Quand l’accusation de viol contre Nestor a été portée, celui-ci a été suspendu de l’UCL, conformément à nos statuts, le temps qu’une commission d’audition constitue un dossier, composé de témoignages oraux et de dépositions écrites.

Pourquoi une procédure interne à l’UCL ? Parce qu’une organisation féministe et révolutionnaire ne peut s’abriter derrière la décision policière en la matière : en 2016, 73% des hommes ciblés par une plainte pour viol ont bénéficié d’un classement sans suite, alors que le viol est notoirement sous-déclaré  [1]. Il y a donc nécessité d’une procédure indépendante de la police et de la justice.

Pourquoi la commission d’audition est-elle composée de femmes ? C’est une condition indispensable pour recueillir la parole de la victime, voire de témoins que la présence d’hommes pourrait intimider. La non-mixité aide à libérer la parole.

Sur quels critères la commission non mixte juge-t-elle des faits ? L’UCL étant une organisation militante – dépourvue de moyens d’enquête étendus –, elle ne peut établir la vérité exacte des faits. Ça lui est impossible, comme c’est impossible également à la police, qui préfère classer sans suite lorsqu’il n’y a pas de traces de coups et de contrainte… Notre critère pour juger n’est donc pas la vérité, trop souvent inatteignable, mais la véracité. Nous partons du principe qu’il faut croire la victime – pour nous, il y a présomption de sincérité. La raison est la suivante : une femme qui n’a pas de contentieux personnel avec un homme n’a aucun intérêt à inventer qu’il l’a violée ou sexuellement agressée. La commission d’audition entend l’homme accusé, qui doit avoir la possibilité de se disculper ou, à tout le moins, de donner sa version des faits.

Pourquoi est-ce une coordination fédérale qui statue, in fine ? Parce que la lutte contre les violences sexuelles, qui est un mal structurel de la société patriarcale, doit concerner tout le monde, hommes et femmes. La responsabilité morale d’une exclusion ne peut reposer sur les seules épaules des femmes, ou de la commission non mixte. C’est l’organisation qui assume le choix de l’exclusion.

Quel principe philosophique guide l’UCL dans cette procédure ? En matière de violences sexuelles, une organisation féministe doit aller au-delà de la justice bourgeoise pour ce qui est de croire les victimes et de faire prévaloir leur parole ; mais elle ne peut être en deçà de la justice bourgeoise pour ce qui est de garantir le droit à la défense. Étant une organisation militante, où toute l’activité est bénévole, des maladresses ou des flottements peuvent exister. Mais la décision finale est toujours entre les mains d’une coordination fédérale – qui juge en toute transparence, sur la base des éléments dont elle dispose –, et non d’un comité discrétionnaire.

En l’occurrence, vous soulignez dans votre article que le dossier recueilli par la commission d’audition avait été considéré insuffisant par plusieurs militantes et militants de la fédération. Après un complément d’information, la coordination fédérale a jugé que les éléments recueillis étaient suffisants et a prononcé l’exclusion, à plus de deux tiers des mandats.

Quatre témoignages supplémentaires

Votre article de dénigrement sur Autrefutur.net a choqué, et a provoqué la communication de quatre témoignages supplémentaires, qui vont dans le sens de la décision de la CF de l’UCL. Il en ressort que « Nestor » était tout à fait capable de présenter le visage d’un chic type, proféministe, quand il était dans sa région, et de se transformer en prédateur lorsqu’il faisait une virée à Paris…

Deux témoignages éclairent l’ambiance de la soirée où le viol a été commis.

Le premier évoque un Nestor qui avait l’habitude de « se lâcher » lors de ses virées en région parisienne, et cette soirée n’y faisait pas exception : « il était comme souvent dans ce type d’événement hyperspeed, surexcité ».

Le deuxième atteste qu’il n’y a eu aucun jeu de séduction, à aucun moment, entre « Nestor » et « Capucine », qui ne se connaissaient pas avant la soirée fatidique. Elle était seulement censée l’héberger. Elle a été surprise dans son sommeil.

Les deux témoins attestent que, depuis cette soirée, la vie de « Capucine » a été bouleversée, et qu’elle a entamé une difficile reconstruction.

Deux autres témoignages éclairent l’attitude de « Nestor » vis-à-vis des jeunes femmes.

Le premier atteste qu’elles sont nombreuses à l’avoir trouvé « vraiment très lourd, très insistant… Il était persuadé qu’il arriverait à ses fins. Je connais au moins cinq filles qui ne veulent plus en entendre parler, notamment parce qu’il leur envoie un SMS à chaque fois qu’il revient à Paris, espérant dormir chez elles un soir. Lorsque nous (des amies et moi) avons appris la plainte pour viol [...], personne n’a été surpris… Nous l’avons tellement côtoyé et vu faire pendant des années… [...] Et je l’ai déjà vu avoir des filles “à l’usure”. Il nous disait parfois qu’il était hors de question qu’il finisse la soirée “seul”. »

Le second rapporte que le « procédé » utilisé avec « Capucine », « Nestor » s’était déjà vanté de l’avoir utilisé : « selon ses dires, il avait été hébergé par une jeune femme, et avait quitté le canapé du salon pour la rejoindre dans son lit au cœur de la nuit, nu ». Il l’avait réveillée en pratiquant un acte sexuel.

Pour conclure, nous ajouterons qu’avant cette affaire, Nestor était un militant connu et apprécié à l’UCL. Il n’y a eu aucun « règlement de comptes politiques » derrière tout cela. Mais notre fédération refuse l’omerta sur les violences sexuelles qui prévaut trop souvent, dans tous les milieux – politiques, syndicaux, associatifs, sportifs, artistiques… L’UCL, comme elle l’explique ici, se veut résolument « accueillante pour les femmes, et fermée aux hommes violents ».

UCL, Relations extérieures, le 11 février 2021

[1Infostat justice n°160 (mars 2018).

 
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