Communiqué UCL

Contre la répression coloniale en Guadeloupe




La contestation de la politique sanitaire dans les outre-mer s’est inscrite dans la durée depuis cet été et a passé un pallier dans les tensions ces dernières semaine en Guadeloupe. En effet, plusieurs territoires ont connu des couvre-feux maintenus quand ces dispositions ne sont plus appliquées en métropole depuis le mois de mai.

La contestation de la politique sanitaire dans les outre-mer s’est inscrite dans la durée depuis cet été et a passé un pallier dans les tensions ces dernières semaine en Guadeloupe. En effet, plusieurs territoires ont connu des couvre-feux maintenus quand ces dispositions ne sont plus appliquées en métropole depuis le mois de mai.

Après des tirs à balle réelle en Guadeloupe sur les forces de l’ordre, Le Drian a annoncé envoyer le RAID et le GIGN en Guadeloupe ce dimanche 21 novembre.

Mais ce serait une erreur de résumer la contestation à la politique sanitaire. En effet si elle a pris une telle ampleur, c’est qu’elle s’est fait la courroie d’une colère bien plus profonde.

Le poison persistant du chlordécone

Il n’est pas possible de comprendre le mouvement actuel si on ne prend pas en compte la question du scandale du chlordécone : pesticide utilisé de 1972 à 1993 dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe, polluant les sols et eaux pour des siècles, alors même que la toxicité était connue depuis les années 60, au mépris des populations qui aujourd’hui en subissent les terribles conséquences à travers de très nombreux cancers de la prostate. Ce serait en effet plus de 90% de la population adulte qui serait contaminée par l’insecticide, et cela pour encore des décennies. Dans les îles comme en métropole, des mouvements se battent pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans ce crime : le 27 février 2021 en Martinique, 10 000 à 15 000 personnes ont défilé pour dénoncer la menace d’une impunité du fait de la « prescription ». La question de la chlordécone est considérée comme une bombe à retardement, révélant le mépris colonial contre toute une population. Mais en Guadeloupe il semblerait que ce soit à l’orée d’une autre crise sanitaire que celle-ci explose, compliquant bien les choses.

On ne peut pas comprendre non plus si on ne met pas en parallèle le nombre croissant d’autres problèmes de santé, tels que les maladies chroniques comme le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires etc… loin devant les régions de France, qui ne font sujet d’aucune campagne sanitaire particulière. On ne peut pas non plus comprendre le mouvement sans prendre en compte les autres problèmes sanitaires que connait la Guadeloupe, comme notamment les problèmes d’eau potable, le manque d’équipement médical et de personnels soignants, alors que l’île est soumise à un nombre important de risques naturels graves : rappelons la gestion déplorable à Saint-Martin suite à l’ouragan Irma en 2017.

Une gestion coloniale de la Guadeloupe

On ne peut pas non plus comprendre le mouvement si on ne questionne pas les inégalités sociales criantes de l’ile et le contexte colonial et raciste de ces îles. Une économie de comptoir se maintient sous perfusion des importations et financements de la métropole, privée d’échanges avec la région des Caraïbes. Les descendants d’esclavagistes, les békés, maintiennent leur domination économique sur l’île, et la population continue à subir une symbolique coloniale humiliante à travers les noms de rues et les statues. Contestée notamment par la jeunesse guadeloupéenne, la statue de Victor Schœlcher est détruite en mai 2020, quelques jours avant les mobilisations antiracistes mondiales suite à la mort de George Floyd.

Si on additionne tout cela, on ne peut pas s’étonner un seul instant de la défiance générale des populations vis-à-vis de la vaccination : au nom de quoi l’État français se soucierait soudainement de la santé d’une population qu’il a empoisonnée durant 50 ans, population qu’il laisse d’ordinaire dans la précarité sanitaire, une population pour qui le virus n’apparait que comme un problème de santé de plus au côté d’autres aussi graves, à commencer par les conséquences du chlordécone ? Et quelle réponse offre-t-il ? Autoritarisme et paternalisme !

Un tel contexte ne peut qu’offrir un boulevard aux théories antivaccin. Ce n’est pas ici quelque chose de nouveau : Frantz Fanon expliquait dans l’An V de la révolution algérienne qu’en Algérie coloniale, la méfiance et la défiance contre le médecin blanc était telle que même malade il refusait d’avoir affaire à lui. Fanon explique que c’est au cours du long processus d’entrée en lutte sous l’impulsion du FLN que cette défiance commença à cesser. Toute comparaison mise à part, il n’est pas insensé d’observer des similitudes dans la défiance à la vaccination actuellement dans les outremers.

L’Union Communiste Libertaire s’est opposée au pass sanitaire et à l’imposition autoritaire de la vaccination, puisque c’est par la pédagogie et sûrement pas par la répression que l’adhésion à la vaccination peut se faire, ce sera encore moins par paternalisme. Nous en appelons malgré tout à se faire vacciner, d’autant plus au vu du fort taux de population à risque dans l’île. Rappelons que le pourcentage de soignant.es non vacciné.es en Guadeloupe est faible, contrairement à ce qui fut présenté, et que face au manque de personnel, suspendre des soignant.es est une aberration. Nous condamnons par ailleurs fermement les violences subies par les soignant.es dans le cadre du mouvement, et les discours complotistes et réactionnaires, tout comme sont présents en métropole des mouvements antivaccin fascisants dans les mobilisations contre le pass sanitaire.

Nous condamnons les discours racistes ridicules que nous avons pu entendre ça et là, renvoyant au vaudou la responsabilité des campagne antivax, absurdités qui n’ont d’égal que les discours islamophobes ici en métropole pour stigmatiser et inférioriser toute une population !

Nous condamnons fermement la répression coloniale qui se met actuellement en place avec l’envoi du GIGN et du RAID ! Nous n’ignorons pas que par cet envoi, la métropole envoie également un message aux autres territoires où la même contestation existe pour prévenir le risque de contagion, comme à la Kanaky où la tension monte avec le refus du report du référendum d’autodétermination. Depuis 2009, que ce soit en Guyane, à la Réunion ou aux Antilles, la contestation et les mouvements sociaux ont été nombreux, parmi lesquels les revendications sociales et anticoloniales se font de plus en plus forte.

Il ne pourra pas y avoir de justice sociale et sanitaire en Guadeloupe sans rupture totale et radicale avec la domination coloniale et capitaliste de la métropole, des békés et du patronat guadeloupéen !

L’Union communiste libertaire, le 30 novembre 2021

 
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