La postérité internationale de l’idée de « commune »
Si la Commune de Paris a pu être vue comme la « fille de l’Internationale », elle est aussi la « mère » de nouvelles « communes » allant de la Russie de 1917 jusqu’à Oaxaca et au Rojava.
Les ingrédients sont toujours à peu près les mêmes : une répression qui isole un territoire ; un État devenu l’ennemi déclaré de sa propre population ; le souvenir des résistances passées qui enflamme les consciences ; l’occasion, trop belle, de se prendre en charge, d’expérimenter l’utopie, puis de disséminer… Isolement assumé, transformation voulue, contagion positive.
En France, désormais, on emploie parfois le terme de « commune » pour nommer les territoires libérés durant des mouvements révolutionnaires. Ainsi de la « Commune de Strandja » en 1903, dans l’Empire ottoman, de la « Commune de Shinmin » en 1929-1931, en Chine [1], ou de la « Commune d’Oaxaca », en 2006 au Mexique [2].
La kommuna russe et ukrainienne
Mais ce sont là des appellations attribuées a posteriori. Ce qui n’est pas le cas, en revanche, de la kommuna russe, « corps politique autonome » des paysans pauvres [3] qui, en 1917-1919, veut conduire la révolution sociale dans les campagnes russes. Avec la kommuna, il ne s’agit pas seulement de se partager les terres du seigneur, mais de les exploiter en commun. Une dynamique à laquelle aussi bien les makhnovistes que les bolcheviks tourneront le dos.
L’idée est que « la commune » peut être à la fois lieu d’expérimentation et méthode de propagation fédéraliste. Elle devient à ce titre, un instrument essentiel de la panoplie libertaire de transformation sociale.
Le komin kurde
C’est toute l’idée derrière les municipalités zapatistes, solidement arrimées dans un territoire et animées par des « assemblées de bon gouvernement » [4]. C’est encore l’idée que l’on retrouve dans le confédéralisme démocratique, au Kurdistan syrien, dont la cellule de base est le komin (« commune ») [5].
L’héritage de 1871 est aussi dans le projet zadiste, qui oblige tout acte de résistance à faire la jonction avec la population et les luttes locales, où des squatteuses et squatteurs se transforment durablement en paysannes et paysans. Où l’on retrouve aussi les pratiques anciennes liées aux « communs ».
Parfois quand la violence d’État est trop forte, comme dans le cas de la « Commune de Gwangjiu » en Corée [6], la volonté de former un contre-exemple à l’intolérable et d’inspirer les générations futures pousse à l’action, même désespérée.
On ne s’y trompera pas : si la Commune de Paris a subi des tentatives de récupération, parfois même par l’extrême droite, elle continue de nous enseigner que les mouvements de transformation sociale ne peuvent être artificialisés par le haut, ni être contraints par la seule théorie, encore moins laissés à la cacophonie avant-gardiste, partidaire.
Ils supposent en revanche de se positionner « en bas, à gauche » comme disent les zapatistes, dans une écoute fine et respectueuse du local, avec une volonté farouche de renverser le modèle qui nous aliène, dans la recherche d’alliances de proche en proche, et avec l’autonomie comme horizon.
Cuervo (UCL Marseille)
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Illustration : Les garibaldiens, combattants volontaires italiens, tirée de Bertall, Les Communeux. Types, caractères, costumes, Plon, 1880.